Le Lauréat du prix Ludovic Tradieux, 2025 est Dimitri Talantov
Le barreau de l’année est le barreau d’Istanbul
Quarante ans du Prix Ludovic-Trarieux : un anniversaire sous le signe de Robert Badinter et de la défense de l’État de droit
En 2025, le Prix international des droits de l’homme « Ludovic-Trarieux » célèbre son quarantième anniversaire. Quatre décennies d’engagement, de résistance et de courage, incarnées par des avocats du monde entier qui ont sacrifié leur liberté, parfois leur vie, pour défendre celles des autres. Mais ce quarantième anniversaire porte une résonance particulière : il survient l’année même où la Conférence Internationale des Barreaux (CIB) célèbre, elle aussi, ses quarante ans. Une coïncidence qui n’en est pas vraiment une, tant les deux institutions partagent un objectif commun, la défense intransigeante de l’État de droit.
Chaque année le prix Ludovic Tradieux est remis à un avocat et le Jury désigne le barreau de l’année.
Le barreau de l’année 2025 est le barreau d’Istanbul
Le barreau d’Istanbul a été honoré par la distinction de barreau de l’année par le Jury.
Le Bâtonnier et le Conseil de l’Ordre du barreau d’Istanbul font l’objet de poursuite pénal pour avoir condamné des frappes de drones ayant visées deux journaliste kurdes et appelé au respect du droit international humanitaire. Le 21 mars, le Tribunal civil d’Istanbul a destitué le Bâtonnier Ibrahim Kaboglu et son conseil de l’Ordre, une décision qui fait l’objet d’un appel. Parallèlement, des poursuites pénales pour « propagande terroriste » et « diffusion d’informations trompeuses » visent le Bâtonnier et les membres du conseil.
Un prix créé par le Bâtonnier Bertrand Favreau sous l’égide de Robert Badinter
La création du Prix Ludovic Trarieux, le 27 février 1984 au Palais de Justice de Bordeaux, fut un moment fondateur. Robert Badinter, alors ministre de la Justice, participa à cette naissance symbolique aux côtés de magistrats et de représentants du barreau. Le choix de donner à ce prix le nom de Ludovic Trarieux en hommage au fondateur de la Ligue des droits de l’homme, qui avait joué un rôle essentiel dans la défense d’Alfred Dreyfus, inscrivait la distinction dans la lignée la plus exigeante de la tradition républicaine : défendre la justice même lorsqu’elle dérange, protéger le droit même lorsqu’il vacille.
Robert Badinter rappelait à l’époque avait que l’engagement de Ludovic Trarieux n’était pas seulement celui d’un d’un homme, mais l’héritage de tous ceux qui refusent l’arbitraire. Quarante ans plus tard, cet héritage demeure la pierre angulaire du prix, auquel un hommage particulier est rendu cette année, quelques mois après la disparition de celui qui fut l’un des plus grands artisans contemporains de la Justice.
Les lauréats du prix ont façonné l’histoire
La première édition du Prix, le 29 mars1985, couronna un homme alors encore emprisonné depuis plus de vingt ans : Nelson Mandela. C’était la première récompense qui lui était attribuée en France, et l’un des tout premiers prix décernés par des avocats du monde entier pour honorer son combat. Ce choix fondateur a donné le ton pour les décennies suivantes.
Depuis lors, la liste des lauréats compose une véritable chronique mondiale des persécutions subies par les défenseurs du droit :
- Esber Yagmurdereli en Turquie,
- Nasrin Sotoudeh en Iran,
- Digna Ochoa au Mexique,
- Beatrice Mtetwa au Zimbabwe,
- Wang Yu en Chine,
- Mahienour el-Massry en Égypte,
- ou encore plus récemment Daw Ywet Nu Aung en Birmanie.
Chacune et chacun d’entre eux incarne une vérité simple : là où les avocats sont réduits au silence, c’est l’État de droit lui-même qui s’effondre.
Dmitri Nikolaïevitch Talantov, la voix russe qui refuse de se taire
Trentième lauréat célébré à l’occasion des quarante ans du prix.
Le jury distingue cette année Dmitry Talantov, avocat russe, ancien bâtonnier, arrêté en juin 2022 pour avoir dénoncé publiquement les exactions commises lors de la guerre en Ukraine.
Condamné à sept ans de prison sur la base d’une loi qui réprime toute information non conforme au récit officiel, il est devenu l’un des symboles les plus frappants de la répression actuelle contre la profession d’avocat en Russie. Ses mots, prononcés au tribunal après plus de trente mois de détention, demeurent saisissants : un rappel que l’on peut priver un avocat de liberté, mais pas de conscience.
En distinguant Talantov, le Prix Ludovic-Trarieux réaffirme son rôle : protéger celles et ceux qui défendent le droit lorsque l’État le trahit.
Un anniversaire partagé avec la CIB : quarante ans d’un même combat
Le fait que le quarantième anniversaire du Prix Ludovic-Trarieux coïncide avec celui de la Conférence Internationale des Barreaux n’est pas anodin. Les deux organisations ont été fondées la même année, portées par une conviction commune : l’indépendance des avocats est l’un des piliers essentiels de la démocratie.
Depuis quarante ans, la CIB comme le Prix Ludovic-Trarieux travaillent, chacun à leur manière, à :
- défendre les libertés fondamentales,
- protéger les avocats menacés,
- rappeler aux États leurs obligations démocratiques,
- veiller à ce que l’accès à la justice ne soit jamais un luxe, mais un droit.
Cette convergence historique fait de l’année 2025 un moment fort pour l’ensemble de la communauté juridique internationale. Elle rappelle que la cause défendue en 1984 par Badinter et les fondateurs du prix est plus actuelle que jamais.
Un engagement qui demeure nécessaire
Alors que les avocats sont désormais menacés, poursuivis ou emprisonnés sur tous les continents, le Prix Ludovic-Trarieux conserve une actualité brûlante. Il est un phare dans la tempête, un rappel que la justice repose sur des femmes et des hommes capables de dire non, capables de résister, capables de rester avocats malgré tout.
À travers l’hommage à Robert Badinter, le souvenir de Mandela, le long cortège des lauréats précédents et la reconnaissance du courage de Dmitry Talantov, l’édition 2025 affirme une vérité essentielle : tant que les avocats se lèvent pour défendre le droit, l’espoir demeure pour l’État de droit.


















